Haïti : La Mission des Nations unies termine son mandat en pleine crise socio-politique

por | 15-10-2019

C’est dans un climat de haute tension que la Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti tirera sa révérence ce 15 octobre, laissant place au Bureau intégré des Nations unies en Haïti.

Port-au-Prince.- C’est dans un climat de haute tension que la Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) tirera sa révérence aujourd’hui, laissant place au Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), établi par le Conseil de sécurité le 25 juin 2019.

Depuis plus d’un mois, les rues de la capitale, Port-au-Prince, et des principales villes haïtiennes sont sujettes à de violentes manifestations, portées par des dizaines de milliers de citoyens s’opposant au président de la République, Jovenel Moïse. Les manifestants demandent la démission immédiate du chef de l’État, notamment suite à son implication dans la dilapidation du fonds d’aide au développement PetroCaribe, alloué à Haïti par le Venezuela en 2008.

C’est dans cette atmosphère électrique que la MINUJUSTH, établie en Haïti depuis le 16 octobre 2017, terminera son mandat aujourd’hui. Ce dernier s’étend sur quatre volets : (i) l’appui aux autorités nationales dans le développement et la professionnalisation de la Police nationale d’Haïti (PNH) ; (ii) le renforcement des institutions de l’État de droit ; (iii) la promotion du respect et la protection des droits humains et ; (iv) la contribution par les bons offices au dialogue politique.

La Mission sera remplacée par une présence onusienne plus modeste, à travers le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), établi par le Conseil de sécurité S/RES/2476, pour une durée de 12 mois. Essentiellement, le Bureau exercera un rôle de conseiller au Gouvernement sur la stabilité politique, la bonne gouvernance et la protection des droits humains. Il appuiera le Gouvernement, notamment dans : (i) la planification d’élections libres, justes et transparentes ; (ii) le renforcement de la PNH ; (iii) la lutte contre la violence des gangs ; (iv) l’amélioration de la gestion des centres pénitenciers et ; (v) le renforcement du secteur de la justice.

Étant donné la complexité de crise socio-politique qui frappe le pays depuis de nombreuses années, mais qui a escaladé exponentiellement depuis l’entrée en fonction du Président Moïse en 2017, la transition risque d’être difficile.

À la suite d’une manifestation devant les bureaux de la Mission de l’ONU, la MINUJUSTH a issu un communiqué de presse daté du 6 octobre se disant : « profondément préoccupée par l’impact de la crise politique prolongée sur les Haïtiens […]. La mission se tient prête à soutenir des solutions pacifiques, que seuls les acteurs haïtiens peuvent concevoir […]. »

Gédéon Jean, Directeur du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) et défenseur des droits humains déclare : « Il faut absolument que les protagonistes trouvent une solution à cette crise, car, au-delà des violations des droits de l’homme généralisées, cette situation entraîne de graves conséquences humanitaires. »

Depuis le début de l’année, une colère tangible s’est fait ressentir dans l’entier du pays, notamment en février dernier, lors de l’opération dite « peyi lòk ». Pendant presque deux semaines, une paralysie généralisée avait contraint la population à suspendre toute activité, impactant d’autant plus l’économie nationale, déjà à la traîne.

Cela fait maintenant un mois que le pays est bloqué par des barricades et mouvements de foule, entraînant la fermeture des écoles, des banques et de la majorité des commerces. Le pays, dont une grande partie de la population rencontre actuellement des difficultés à s’approvisionner en vivres et en eau, ainsi qu’à accéder aux soins, dû au manque de personnel hospitalier et de matériel médical, est au bord de la crise humanitaire.

Les violations des droits humains se perpétuent, notamment liées à la violence policière face aux manifestants. Selon un bilan partiel du CARDH sur la mobilisation populaire des 27 et 30 septembre 2019 : « au cours des deux journées, les patrouilles policières (…) ont systématiquement recouru à l’utilisation de la force meurtrière pour empêcher la population de s’exprimer ».  Cela a été fait contrairement aux règlements de l’institution.

Le Président refuse cependant de démissionner et ne s’est adressé à la nation qu’une fois depuis les troubles, dans la nuit du 25 septembre à deux heures du matin. La société civile et l’opposition ont toutefois rejeté son appel au dialogue, soulignant la mauvaise foi du Chef de l’État lors de ses initiatives précédentes, politiquement biaisées, ainsi que la revendication collective évidente pour qu’il se retire.