L’ONU examinera la situation de la Colombie en matière de droits civils et politiques

por | 14-10-2016

Le Comité des Droits de l’Homme examinera l’État colombien pour réviser ses progrès dans la promotion et la protection des droits civils et politiques. Contributions des ONG dans l’attente de l’examen.

Traduit de l’espagnol par Caroline Gamboa

 

Le septième examen de la Colombie devant le Comité des Droits de l’Homme aura lieu les prochains 19 et 20 novembre. Le Comité est un organe des Nations Unies composé de 18 experts indépendants qui surveillent la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’État en 1969.

Dans le rapport présenté devant le Comité, la Colombie a souligné les mesures prises afin de mettre en œuvre les recommandations qui lui ont été formulées lors de son dernier examen en 2010. Cependant, les inquiétudes des experts, ainsi que les informations fournies par la société civile révèlent le besoin d’investir plus d’efforts pour garantir les droits civils et politiques des citoyens et prévenir et sanctionner leurs violations.

C’est le cas, par exemple, des restrictions de la liberté d’expression et d’association, de l’inégalité dans l’exercice de leurs droits pour les femmes et la population LGBT, des violations du droit à la vie, de la traite d’êtres humains, de l’exploitation au travail, des conditions précaires d’emprisonnement des personnes privées de liberté et de la discrimination dans la reconnaissance de la personnalité juridique ou des garanties de procès équitables.

Dans le cadre du mécanisme de l’examen, plusieurs organisations non gouvernementales ont présenté des rapports alternatifs afin de contraster la version de l’État et fournir aux experts davantage d’informations pour analyser la situation.

En voici quelques exemples:

Liberté d’expression

La Fondation pour la Liberté de Presse (FLIP), membre du Réseau global pour la liberté d’expression (IFEX), a noté dans son rapport que les agressions contre les journalistes n’ont pas cessé: des données du Comité pour la Protection des Journalistes, citées dans le document, indiquent que la Colombie occupe la onzième place dans la liste des pays les plus dangereux pour exercer le journalisme.

Dans son rapport, élaboré avec l’assistance technique du Réseau international des droits humains (RIDH), l’ONG a demandé au Comité de recommander à l’État d’appliquer des mesures complémentaires aux programmes de protection existants, et en particulier des stratégies pour anticiper les risques, garantir les droits des journalistes et combattre l’impunité en cas de violations.

Quant à la réglementation de la publicité officielle dans les médias, la fondation a suggéré de recommander que l’État dresse un régime légal pour garantir la diffusion de cette dernière dans des principes d’objectivité et de transparence.

Executive summary of the FLIP, IFEX and RIDH’s alternate report

Finalement, le rapport a présenté deux cas emblématiques d’attentats contre la liberté d’expression en Colombie et de l’impunité qui les caractérise: d’un côté l’assassinat de l’ex-directeur du journal El Espectador, Guillermo Cano, qui fut commis en 1986 et dont l’enquête n’a mené à aucune condamnation à ce jour.

D’un autre côté, l’enlèvement, la torture et l’agression sexuelle dont a été victime Jineth Bedoya, rédactrice en chef adjointe au journal El Tiempo, dans l’exercice de son travail en tant que reportrice. Les faits ont eu lieu en 2000 et depuis, seulement deux personnes ont été poursuivies en justice comme auteurs matériels, mais le responsable intellectuel n’a toujours pas été traduit en justice. La journaliste fait partie de la délégation de l’alliance FLIP-IFEX qui voyagera à Genève pour s’entretenir avec les experts du Comité et leur présenter son cas dans le cadre de l’examen de la Colombie.

Droit à la justice et aux réparations. Liberté d’association et non-discrimination

Également dressé à l’aide du RIDH, le rapport de la Promoción Claretiana para el Desarrollo (PROCLADE), organisation qui accompagne les communautés dans la récupération de la mémoire historique, a dénoncé la vulnérabilité des femmes des groupes ethniques victimes du conflit et a mis en relief l’importance de lancer des propositions productives qui permettraient aux communautés de rester sur leur territoire. De même, elle a demandé au Comité de recommander à l’État la réparation intégrale des victimes du conflit.

De son côté, grâce à son rapport, le Congrès des Peuples a dévoilé au Comité la corruption du système pénitentiaire colombien et la persistance de détentions massives et sommaires, de la répression de la protestation sociale et de la persécution contre les avocats, dirigeants de communautés et défenseurs de droits et l’homme.

La Central Unitaria de Trabajadores a constaté dans son document la violence dont sont victimes ses membres et la baisse de protection de ses dirigeants syndicaux. Elle a également mis l’accent sur l’absence de réparations individuelles pour les syndicalistes ayant souffert des violations de leurs droits civils et politiques.

De son côté, la Fondation Saldarriaga Concha a rédigé un rapport dans lequel elle note les énormes lacunes quant aux politiques publiques et stratégies destinées à garantir les droits des personnes handicapées. Par exemple, l’État manque d’un registre complet de cette population qui inclurait des variables socio-économiques et relatives à l’âge, ainsi que la relation entre la cause du handicap et le conflit armé.

Autonomie des peuples autochtones et protection de la population LGBT

Un autre document, présenté par un groupe d’organisations autochtones, montre que malgré l’entrée en vigueur du Décret 1953 en 2014, garantissant l’autonomie politique et administrative des territoires indigènes, celui-ci n’a toujours pas été mis en œuvre, car le Ministère de l’Intérieur estime que les peuples ne sont pas à même d’assumer cette autonomie de par leur manque d’expérience administrative.

Quant à la situation des personnes LGBT, comme le fait observer le rapport présenté par l’organisation Colombia Diversa, les progrès juridiques n’ont pas suffi pour garantir et protéger leurs droits. Pour cette raison, l’ONG propose aux experts de recommander à l’État d’arrêter de considérer les identités transsexuelles comme des maladies mentales et de garantir que le système de santé reconnaisse que les transformations corporelles sont nécessaires pour certains membres de cette communauté.

Le Comité des Droits de l’Homme publiera ses recommandations pour la Colombie le prochain 4 novembre, dernier jour de sa 118e séance, durant laquelle il examinera, en plus de la Colombie, l’Azerbaïdjan, la Jamaïque, le Maroc, la Moldavie, la Pologne et la Slovaquie.

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