Le rapport de communications des procédures spéciales mérite une place dans l’agenda du Conseil des Droits de l’Homme. La participation des victimes dans le débat lancerait un message clair de transparence à la société et à la communauté internationale.

 

Par: Ramón Muñoz Castro

Traduction: Caroline Gamboa et Annaëlle Ragot

 

Ramón Muñoz

Les communications envoyées aux états par les Rapporteurs et les groupes de travail du Conseil des Droits de l’Homme sont les outils grâce auxquels ces experts répondent aux victimes qui solicitent leur action immédiate. Pour de nombreuses personnes, ce moyen est parfois la seule voie de communication avec le système international des droits de l’homme.

Bien que la réactivité des procédures ne soit pas des plus rapides face à la pétition des victimes – il faut compter trois mois pour leurs publications – une communication envoyée à un État au moment opportun peut parfois contribuer à sauver des vies et éviter de plus graves violations. Il s’agit de protéger des personnes confrontées à des situations urgentes qui requièrent l’attention immédiate et effective qu’ils n’ont pas reçu de part de l’État.

Les rapporteurs et les groupes de travail du Conseil, conscients de l’importance des communications, ont promu l’élaboration du rapport de communications: un document publié tous les quatre mois, contenant les communications envoyées durant cette période par les procédures spéciales et qui devait contribuer, à partir de 2010, à l’élaboration de l’examen périodique universel.

Cet article est aussi disponible en espagnol et en anglais.

Six ans plus tard, le rapport est mis à disposition des états lors de chacune des trois sessions annuelles du CDH, mais il ne fait pas l’objet de débats ou de discussions au sein du même, raison pour laquelle il peut passer inaperçu pour un grand nombre d’acteurs concernés.

Il est néccessaire de se poser la question suivante: Quelle utilité présente pour les victimes un rapport contenant l’information provenant des pays, si celui-ci n’est pas analysé et débattu au sein même de l’organe chargé de promouvoir et protéger les droits de l’homme?

Débattre le rapport au sein du conseil, et lui accorder une place dans l’agenda des sujets de discussion, donnerait l’opportunité aux États et aux victimes d’évaluer ensemble la volonté des États de collaborer dans le cadre des procédure spéciales ainsi que leur empathie envers les victimes cherchant à être protégées, à l’aide d’outils créés pour les rendre visibles, et leur donner accès à des solutions.

Une analyse du rapport permettrait d’observer les changements ou améliorations nécessaires pour faciliter et garantir l’accès au système de communications des procédures spéciales, dans les pays ayant un faible taux de communications reçues ou de réponses envoyées.

Ouvrir la discussion sur le rapport de communications lors des sessions du Conseil offrirait un espace aux victimes de violations des droits de l’homme, qui devraient être le centre des débats de cet organe.

Un débat sur ce rapport permettrait d’analyser la volonté des États de collaborer avec le système de procédures depuis plusieurs angles, tels que: le pourcentage de réponses de chaque état aux communications envoyées; la pertinence des procédures par rapport aux différentes régions ou pays; le taux d’utilisation des procédures de la part des victimes, ou les procédures plus ou moins adaptées au travail de la société civile, qu’il est nécessaire de promouvoir pour parvenir à une meilleure interaction avec les victimes et les États.

D’après les chiffres et les statistiques, certains cas de violations des droits de l’homme pourraient être analysées de manière globale, en tenant compte de l’ensemble des rapports présentés au Conseil.

Ce serait aussi l’occasion d’observer les phénomènes de violations les plus fréquents parmi les plaintes, par date, région et pays, c’est-à-dire, la photographie circonstancielle d’une période définie qui permettrait, avec la collaboration du conseil des Droits de l’Homme, de mettre en marche des mesures ou politiques à court ou moyen terme, ainsi que la pertinence des communications envoyées et leur impact sur les situations précises dénoncées, du point de vue des mesures correctives mises en place par l’État et depuis la perspective des victimes.

Étudier et discuter des communications des procédures rendrait possible la caractérisation des phénomènes de violation en cours, ce qui permettrait d’envoyer des signaux d’alerte dans des cas particuliers ou en processus de gestation.

Permettre que cette analyse ait lieu dans le cadre d’un dialogue interactif offrirait aux victimes et à la société civile une opportunité de dialoguer avec les États, avec le Conseil des Droits de l’Homme et avec ses procédures spéciales. La présence des victimes lors de cet échange, engagé de manière ouverte et constructive, enverrait un message de transparence du CDH à la population en général.

Inversement, ne pas ouvrir la place à un tel débat, et continuer à ignorer les plaintes recueillies dans le rapport bien que celles-ci soient disponibles, pourrait être interprété comme la négation d’une opportunité d’agir de manière transparente.

Ceci agirait au détriment d’une crédibilité qui, dix ans après la création du Conseil des Droits de l’Homme, il est nécessaire de renforcer pour qu’il puisse accomplir son mandat et promouvoir les Droits de l’Homme en veillant à ce que les victimes puissent réellement accéder au système de protection des procédures spéciales, créé par le Conseil lui-même.

Dès lors, ce sont les États qui ont le pouvoir de prendre une décision concernant l’inclusion de la discussion sur ce rapport dans l’agenda du Conseil, puisqu’ils sont responsables de promouvoir et protéger les droits de l’homme tant au sein du Conseil comme dans leurs territoires, applicant ainsi leurs engagements internationaux, et leurs lois domestiques.

Rendre le système de communications sur les procédures spéciales plus efficace dépendrait aussi des États, puisque pour y parvenir, plus de personnel et un budget plus élevé devraient être attribués à l’Office du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Ce serait une avancée de passer de l’exercice de la rhétorique constante des discussions, tant de fois critiqué par certains États et par le Haut-commissariat, ainsi que par les victimes, à un exercice de dialogue ouvert et transparent.

Un rapport de communications est un instrument qui peut être utilisé de manière constructive. Le défi est d’y parvenir sans politiser le débat. Si cet espace se crée, il devra se construire à l’aide des apports des états et de la société civile.